Ukraine: une guerre locale en passe de devenir mondiale ? (6/7)
La décennie qui fût celle des années 1990, en tant que son commencement succédait d’un an la chute du Mur de Berlin, annonçait la « Fin de l’Histoire » et le début d’une paix universelle et perpétuelle, au sein d’un monde régi par l’économie de marché libre. Elle ne fût, toutefois, qu’une parenthèse enchantée, avant l’avènement de la décennie suivante qui inaugurait le XXIe siècle. Ce dernier débuta par les attentats commis contre le World Trade Center et la Maison-Blanche dans la matinée du mardi 11 septembre 2001, fomentés par une organisation islamiste transnationale: Al-Qaïda. L’islam radical allait désormais être la nouvelle menace contre la démocratie de marché. Ce qui n’allait pas être sans conséquence radicale sur la géopolitique mondiale, à l’aube du troisième millénaire.
D’un 11 septembre à l’autre
Le 9 novembre 1989, le Rideau de Fer cessait de diviser le monde en deux blocs étanches. Puis, en août 1991, l’URSS s’épuisa économiquement. Elle finit par se dissoudre en tant qu’entité politique. La menace soviétique appartenait désormais au passé. Une nouvelle ère s’annonçait. Celle d’un ordre mondial fondé sur l’économie de marché libre, à l’échelle planétaire. Désormais, le droit international primerait la loi de la jungle. C’est du moins ce qu’annonçait le président américain George H.Bush dans son discours du 11 septembre 1990, prononcé devant les deux Chambres du Congrès réunies.
Dans ce nouveau monde qui se dessinait, l’Allemagne réunifiée continua d’être ce qu’était la RFA depuis 1949, un fidèle allié des Américains. Ces derniers, en tant que première puissance économique et militaire, sécurisaient le commerce maritime mondial. L’intérêt pour l’Allemagne, puissance commerciale exportatrice, de s’aligner sur les intérêts américains restait donc de mise. Alors que de son côté, la France s’obstinait à refuser de réintégrer le commandement intégré de l’OTAN. Elle s’opposait également à ce que cette organisation joue un rôle prépondérant en Europe de l’Est, ou encore, au Moyen-Orient.
Quant à l’URSS, économiquement à terre, elle se désintégra. De nombreuses anciennes républiques socialistes prirent leur indépendance. C’est dans ce contexte que, le 24 août 1991, fut fondé l’État indépendant d’Ukraine. L’émancipation de cet État, vis-à-vis de la Fédération de Russie, n’était pas chose anodine. En effet, comme l’explique Brzezinski, amputée de l’Ukraine, la Russie cessait d’être un empire eurasiatique.
Cependant, par-delà le discours optimiste du président Bush père, si le monde post-1989 annonçait un monde plus pacifié militairement parlant, la guerre économique allait être d’autant plus violente. En effet, à l’aube de la décennie des années 1990, la fin de l’URSS ôtait toute forme d’ennemi commun, réel ou fantasmé, imposant une certaine apparente solidarité entre nations industrialisées du Bloc de l’Ouest. Car somme toute, l’économie de marché libre, qui implique une coopération renforcée entre les États ne doit pas, pour autant, être prise comme un jeu à somme nulle. Pour cause, un marché conquis par la société anonyme américaine Boeing l’est nécessairement au détriment de l’entreprise multinationale franco-allemande, Airbus.
Le siècle nouveau
À l’aube du XXIe siècle, avec l’arrivée de Vladimir Poutine au Kremlin le 31 décembre 1999, la Fédération de Russie sortit de l’anarchie politico-économique dans laquelle elle se trouvait au cours de la décennie 1990. Deux ans plus tard, la Chine fit son entrée à l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Ces deux nations, encore loin de pouvoir concurrencer économiquement les États-Unis, commençaient, cependant, à devenir des marchés intéressants. La France, mais également et surtout l’Allemagne qui était une grande puissance commerciale, se tournèrent, peu à peu, vers Moscou et Pékin.
Toutefois, les attentats du 11 septembre 2001 furent l’événement qui bouleversa irrémédiablement l’ordre mondial post-1989 en ce XXIe siècle naissant. Onze ans après le discours du président Bush père, la rhétorique de l’Axe du Mal du président Bush fils s’imposa. L’Iran, l’Irak et la Corée du Nord, trois pays nullement impliqués dans les attentats du 11 septembre 2001, furent désignés comme la nouvelle menace pour le monde libre.
En somme, la lutte contre le terrorisme islamiste transnational, en lieu et place de la menace dite communiste, allait devenir le nouveau prétexte grâce auquel les États-Unis allaient forcer leurs alliés à s’aligner sur leur politique extérieure. Le 11 septembre 1990 annonçait la fin de la menace soviétique sur le monde libre. Le 11 septembre 2001 annonçait la naissance de la menace terroriste transnationale.
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Sources:
- Brzezinski, Zbigniew, 2011, Le Grand échiquier: l’Amérique et le reste du monde, Pluriel.
- Laïdi, Ali, 2016, Histoire mondiale de la guerre économique, Perrin.